«La France seule contre tous»
(Article du n°58 de la revue « Historia »)
En décidant sur un coup de tête, entre le 6 et le 19 juillet 1870, d’entrer en guerre contre la Prusse, l’entourage de Napoléon III croyait pouvoir compter sur trois alliés au moins : l’Autriche, l’Italie et le Danemark. La réalité fut tout autre et la France se retrouva isolée à la veille de la guerre.
L’Autriche
François-Joseph, l’empereur d’Autriche veut bien oublier que Napoléon III lui a enlevé la Lombardie en favorisant l’unité italienne et abandonné son frère Maximilien dans le guêpier mexicain, mais il doit composer avec l’opinion neutraliste de ses sujets hongrois et surtout, avec la menace de représailles russes. Circonstance aggravante : la précipitation de la France en 1870 ne laisse pas à François-Joseph le temps de préparer son peuple à l’idée d’une guerre, la troisième en onze ans. Dans ces conditions, hésitant à franchir le pas, il subordonne son intervention à un premier succès français en Allemagne du Sud, et à la condition que Napoléon III y soit vraiment accueilli en libérateur.
La Belgique
Léopold II le roi des Belges déteste Napoléon III qui a spolié sa mère, une princesse d’Orléans, et rendu folle sa sœur Charlotte, la malheureuse impératrice du Mexique. En révélant, le 20 juillet 1870, que l’ambassadeur de France lui a secrètement demandé au moment de Sadowa (1866) d’annexer la Belgique et le Luxembourg, et en prenant soin de faire publier la nouvelle dans le Times, Bismarck réussit à soulever contre la France à la fois l’opinion belge et l’opinion britannique. Léopold II mobilise 80000 hommes le long de la frontière française et écrit à la reine Victoria, sa nièce par alliance : « l’empereur Napoléon est un conspirateur… Il est le grand coupable. L’Europe entière devrait profiter de l’occasion pour dicter à la France ses conditions. » Ainsi, avec cette question belge, Napoléon III a-t-il perdu le soutien de sa plus fidèle alliée, l’Angleterre.
Le Danemark
Christian IX, désireux de récupérer les duchés de Schleswig et du Holstein arrachés par la Prusse en 1864, envisage bien un moment d’aider la marine française – alors l’une des premières du monde -, à débarquer près de Kiel. Mais la mauvaise volonté du ministre de la Marine, l’amiral Rigault de Genouilly, retarda l’opération et lorsque les Danois apprirent nos défaites en Alsace, ils jugèrent prudent de s’excuser.
La Grande-Bretagne
Victoria a de meilleures relations avec Napoléon III depuis sa visite en 1855 et la guerre de Crimée. Mais, avec l’arrivée de Gladstone au pouvoir et le mariage de la princesse Vicky (fille de Victoria) avec le prince héritier de Prusse, l’empereur a perdu ses appuis au gouvernement et à la Cour. L’habilité de Bismarck à dévoiler les projets belges de Napoléon III va retourner l’opinion contre la France. Le lendemain de la déclaration de guerre par la France, l’Illustrated News écrit : « L’empire libéral fait la guerre pour une question d’étiquette. » Le Times renchérit : « C’est le plus grand crime qu’une nation ait commis depuis la chute de Napoléon. » Et Victoria note : « Le comportement vantard et prétentieux des Français rendait la guerre inévitable. »
L’Italie
Victor-Emmanuel II doit la Lombardie à Napoléon III mais la Vénétie à Bismarck. Mais la France, en maintenant à Rome une division pour protéger le pouvoir temporel du pape, empêche le roi italien d’en faire sa capitale. Soucieux de ménager l’opinion des catholiques, dont certains ne craignent pas de dire « plutôt les Prussiens à Paris que les Italiens à Rome », Napoléon III refuse de « perdre son honneur sur le Tibre ». L’Italie, elle, optera pour la neutralité…
La Russie
Alexandre II s’est brouillé sur la question polonaise avec Napoléon III, lequel tolère à Paris l’existence d’un parti polonais animé par Walewski (le fils naturel de Napoléon Ier), d’un comité central pour la cause polonaise et la publication de romans dénonçant les atrocités russes. Cette brouille s’envenime encore lors de la visite du tsar à l’Exposition universelle de Paris en 1867. Le Russe prend très mal l’invective de l’avocat Floquet qui lance sur son passage un « Vive la Pologne, Monsieur ». Puis, au retour de la revue de Longchamps, il essuie un coup de feu tiré par un patriote polonais et échappe de peu à la mort. Le soir même, il veut repartir. L’impératrice réussit à l’en dissuader mais le tsar en garde rancune. En 1870, il promet à Bismarck de prendre l’Autriche à revers si elle fait cause commune avec la France.
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